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29 janvier 2024 1 29 /01 /janvier /2024 10:27
La femme sauvage de Jeroen Olyslaegerst

Au XVI eme siècle, Anvers est une ville prospère , arrivée au moment du récit à son apogée , gouvernée par la sœur du roi Philippe d'Espagne et où se côtoient papistes, luthériens et calvinistes dans une tolérance apparente mais superficielle, .

Beer est propriétaire de l'Auberge de l'Ange . C'est un homme marqué par le décès de ses trois femmes et seul l'enfant de la dernière a survécu, Ward .

Dans le début de la première partie, intitulée l'Homme sauvage , le lecteur survole les années brèves des trois mariages de Beer , il se sent maudit mais le visage des mortes s'effacent peu à peu .

"Le remords est la première porte du deuil, ai-je appris, et cette porte s'ouvre sur un couloir long et étroit qui semble interminable et qu'il faut traverser, qu'on le veuille ou non. "

Rapidement, l'histoire dévie sur les fréquentations de l'aubergiste : gens de tout bord politique ou religieux , nobles , philosophes , imprimeurs, libraires et marchands se succèdent et viennent discuter, batailler ou s'épancher . Beer reçoit respectueusement ses hôtes en fonction de leur importance et en premier lieu ceux de la Famille de l'Amour, sorte d'association de notables dont les motivations ne sont pas toujours charitables mais souvent mercantiles.

Circulent également à l'auberge des ouvrages interdits considérés comme blasphématoires .

D'ailleurs il héberge un anglais, John Dee, qui rédige un livre de dialogue direct avec Dieu et les Anges.

La religion et surtout le rapport permanent avec Dieu est omniprésente dans ce roman mais ce n'est en aucune manière du prosélytisme . Il faut y voir plus le poids des différentes croyances pesant sur les gens de ce siècle avec l'importance des réformes protestantes , en particulier aux Pays Bas  et le poids du catholicisme imposé par les Espagnols. Il persiste , comme dans d'autres pays et d'autres époques jusqu'à la notre des rites païens , en particulier autour de la fin de l'hiver, et c'est là qu'intervient l'Homme sauvage joué par Beer dans une fête annuelle d'Anvers .

" Pour moi, l'Homme sauvage que je ressuscitais chaque année à la Chandeleur était peut-être même notre véritable forme à tous, le passé immémorial qui nous reliait tous . "

La vie de cette époque est également bien évoquée , avec , en particulier un hiver très rude qui a entrainé une famine et a dévoilé au grand jour la faiblesse des dirigeants, incapables de venir en aide à la population.

La deuxième partie concerne à la fois la révolte des gueux , puis une conspiration comme un vent de folie,balayant tout sur son passage et la mutinerie des troupes espagnoles qui saccagent la ville avec la mort de nombreux habitants .

Avant le déferlement des soldats espagnols  Beer a déjà quitté la ville et s'est installé à Amsterdam. , ayant tout perdu , ses amis et son honneur abusé par un homme perfide et rusé qui s'est servi de sa naïveté et de sa complaisance .

Il fuit avec la femme "sauvage" ramenée d'une expédition au grand Nord et logée , ou, devrais-je dire emprisonnée , avec sa fille à l'auberge de Beer qui va organiser des visites pour apercevoir  ce que la plupart des gens appelle des bêtes jusqu'à ce que Beer se donne la peine de regarder cette femme comme un être humain .

Roman foisonnant tant l'histoire de cette période et de cette ville est dense . C'est richement documenté, jamais ennuyeux même si le récit entremêle parfois différentes époques, il faut juste être attentif .

C'est aussi à travers l'histoire d'un homme, l'aubergiste Beer , une leçon d'humilité , d'amitié et de pardon.

"Pour moi, l'acceptation est quelque chose d'absolu, quelque chose qui doit valoir pour le restant de tes jours. Mais là, près du feu, je me suis rendu compte que ça pouvait se limiter à un instant."

J'ai eu , pendant un long moment l'impression de voyager dans les tableaux du peintre Pierre Bruegel , un visionnaire  , qui dans ce roman fréquente l'auberge et entretient des rapports cordiaux avec Beer , cela m'a permis de bien rentrer dans ce siècle en regardant la reproduction de ses toiles .

Je remercie NetGalley et les Éditions Stock
#Lafemmesauvage #NetGalleyFrance

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26 janvier 2024 5 26 /01 /janvier /2024 14:36
Le banquet des Empouses d'Olga Tokarczuk

En 1902, Mieczyslaw Wojnicz , jeune homme polonais , arrive à Görbersdorf , en Silésie, pour soigner sa tuberculose . Cette ville est connue pour son sanatorium et de nombreux curistes y séjournent.

Wojnicz est hébergé dans une pension tenue par Monsieur Opitz. Elle n'est occupée que par des hommes, plutôt d'un certain âge en dehors d'un jeune homme, Thilo dont la maladie est à un stade avancée.

Les journées s'écoulent paisiblement au rythme des soins, des promenades et des temps de repos en chaise longue .

Seules les soirées à la pension sont animées, les débats entre ces messieurs d'origine, de religion et de pensées bien différentes fusent , accentués par la consommation d'une liqueur locale appelée Swärmerei .

On discute politique, culture, religion , philosophie et souvent des femmes, qui ont toutes un caractère faible et un cerveau plus petit que l'homme, c'est une évidence.

Notre jeune ami se sent plutôt étranger à ces soirées mais apprécie également la boisson qui entraine un état au delà de l'ivresse avec un effet hallucinogène pour lui.

Il évolue entre son passé avec une enfance auprès d'un père exigeant, l'absence de sa mère défunte et une nourrice qui est la seule personne à lui avoir apporté de l'affection et un futur incertain lié d'une part à sa maladie et d'autre part à une malformation qui le confine à une fragilité qu'il ne sait pas contourner et le rend pusillanime .

Règne une nostalgie dans sa langueur qui va de paire avec sa maladie , le spleen des jeunes romantiques...

Il sent autour de lui des présences étranges qui se manifestent la nuit dans le grenier  ou lors de ses balades dans les bois.

Alors, venons-en aux fameuses Empouses , spectres ou démons de la mythologie grecque , filles de la déesse Hécate .

Ce sont elles qui décrivent les personnages par leur apparence vestimentaire en commençant par les chaussures ... On les entend en chœur ponctuant le récit de leurs remarques.

"nous, les Empuses , nous aimons regarder les chaussures "

Dans cette petite ville thermale de Görsberdorf, Wolnicz est alerté par un des pensionnaires de la survenue annuelle d'un meurtre d'un homme jeune , une sorte de rituel dont l'existence est tue et les auteurs sont inconnus .

D'un rythme très lent, le récit s'accélère en toute fin du roman . Les monstres apparaissent mais ne sont pas forcément ceux que l'on imagine et l'épilogue prend une tournure étonnante même si certains indices peuvent orienter.

La lenteur est largement compensée par la peinture ciselée que fait Olga Tokarczuk de cette société d'hommes misogynes où la femme est absente physiquement mais toujours proche dans les esprits .

L'écriture est magnifique et j'ai pris beaucoup de plaisir aux descriptions, tant des hommes que de la nature  .

Le sous-titre de ce livre est : roman d'épouvante naturopathique , je ne sais pas où voulait en venir exactement l'auteure mais en découvrant les soins infligés aux malades phtisiques, on peut frémir ....

Avec un grand merci à NetGalley et aux Éditions Noir sur Blanc

#Lebanquetdesempouses #NetGalleyFrance

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25 janvier 2024 4 25 /01 /janvier /2024 10:43
Fleur de roche de Ilaria Tuti

Peu à peu, les exploits de femmes remarquables font l'objet de récits qui les sortent enfin de l'ombre , et c'est tant mieux.

En 1915, le conflit entre l'Italie et l'Empire austro-hongrois s'étend dans la région montagneuse du Frioul et les combats font rage.

Un officier fait une demande pressante auprès des femmes du petit village de Timau, près de la frontière autrichienne pour apporter des vivres et des munitions aux différents campements dans la montagne.

Agata, Viola, Lucia, Maria, Caterina et les autres , chargent leurs hottes et grimpent livrer le matériel aux soldats.

Les trajets deviennent quotidiens, montant équipements, explosifs, lettres et descendant linge sale et même les corps des soldats pour leur offrir une sépulture décente dans le cimetière du village, tombes qu'elles creusent elles-mêmes.

Entre temps, elles se consacrent à leurs tâches habituelles : enfants, parents malades, travaux des champs et soins aux bêtes ...

Leur courage et leur endurance font l'admiration des officiers et des soldats et elles sont surnommées  " les porteuses ".

Au sein de ce véridique épisode  Ilaria Tuti a inséré l'histoire romancée d'Agata , une jeune femme célibataire, lettrée , qui devient amie avec le commandant de la compagnie qui la traite rapidement en égale , elle met par ailleurs sa vie en péril par conviction pacifiste acquise lors des chocs vécus sur le champ de bataille et ses lignes arrières .

Elle aime les mots et les livres et transforme parfois la violence  des combats , l'effoi des blessés et la froideur de la mort en poèmes épiques, une illusion qu'elle offre à son père mourant et à elle-même pour supporter l'indicible et repousser le désespoir.

Ilaria Tuti fait une description sobre mais suffisamment précise des tranchées, des champs de batailles, des combats, des interrogations des officiers devant la barbarie et devant certains ordres discutables venus des hautes autorités . Comment peut-on rester humain, comment peut-on imaginer revenir à une vie dite normale ?

Et la colère d'Agata prend parfois le pas devant les décisions absurdes des hauts gradés , que reste-t'il en dehors de l'honneur ?

"Brisez vos fusils, rentrez chez vous . Que les lames servent à retourner la terre et que les mains des hommes caressent les joues des enfants et des femmes amoureuses , si fatiguées de tenir sur leurs épaules le poids d'un conflit. "

Son récit est illuminé par la beauté de la nature à travers les différentes saisons , une antinomie entre la noirceur de la guerre et le cycle immuable de la vie.

"La nature palpite de vie, continue de germer et d'engrosser des ventres, tandis que l'homme succombe à son frère. L'aujourd'hui semble être dans l'ignorance de soi. "

Un livre découvert grâce à mon amie NicolaK que je remercie grandement , une passeuse d'histoires !

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15 janvier 2024 1 15 /01 /janvier /2024 15:54
Terre fragile de Claire Fuller

Julius et Jeanie , jumeaux de 51 ans, ont toujours vécu au cottage avec leur mère Dot, et lorsqu'ils découvrent le corps de leur mère dans la cuisine au petit matin, ils sont loin d'imaginer à quel point leur vie va changer.

Jeanie depuis une maladie infantile,  a le cœur fragile et aide sa mère au jardin pour la culture de légumes que Dot va vendre au village pour un peu d'argent . Elle a peu été à l'école et est quasi illettrée.

Son frère fait des petits boulots qui lui rapporte un maigre salaire, de quoi se payer son tabac et quelques pintes au pub du village.

Le premier obstacle auquel ils sont confrontés est le manque d'argent pour les obsèques, et en suivant , les arriérés des factures et des impôts et surtout de loyer pour le cottage qu'ils pensaient occuper à titre gracieux depuis le décès accidentel du père alors qu'il travaillait pour le propriétaire .

La précarité de leur situation aussi bien pécuniaire que sociale s'agrandit de jour en jour surtout pour Jeanie protégée par sa mère jusqu'à présent  et qui s'obstine à refuser l'aide de voisins compatissants, ne voulant rien leur devoir. Sa faiblesse en fait aussi une proie facile pour les personnes mal-intentionnées.

Sa vulnérabilité et la conscience grandissante de son ignorance la rend méfiante, c'est une pelote d'aiguilles et seule la musique qu'ils pratiquaient en famille et qu'ils continuent à jouer tous les deux lui apporte du réconfort .

Peu à peu, Jeanie découvre les secrets que sa mère leur cachaient et le foyer protecteur couvé par Dot se révèle être une toile d'araignée , tissée au cours de toutes ces années par la mère entourant ces enfants de ses fils .

J'ai beaucoup aimé ce roman, l'ambiance pesante qu'on ressent , l'angoisse qui grandit au fur et à mesure du récit , l'éveil douloureux de Jeanie et ces airs de musique  même s'ils sont souvent tristes qui les relient et les isolent dans une bulle d'harmonie.

#TerreFragile #NetGalleyFrance

Un grand merci à NetGalley et aux Éditions Stock 

 

 

 

 

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13 janvier 2024 6 13 /01 /janvier /2024 17:03
Toutes les vagues de l'océan de Victor Del Arbol

Dès le prologue qui se passe en 2001 près de Barcelone , le ton de ce pavé est donné : le lecteur qui se glisse innocemment dans ce livre assiste à la mort d'un petit garçon jeté dans le lac , meurtre ordonné par un certain Zinoviev.

Cet enfant est le fils de Laura Gil, personnage pivot de ce roman . Elle est flic et elle est aussi la fille ainée d'Elias Gil, mort dans des circonstances suspectes en 1967.

C'est une femme déterminée, elle enquête sur un réseau mafieux russe étendu de prostitution enfantine connu sous le nom de Matriochka et elle a également publié un article mettant à bas le mythe entourant la vie de son père .

Retour en 1933,où Elias Gil, avec son diplôme tout neuf d'ingénieur en poche arrive à Moscou avec trois autres jeunes hommes étrangers , fervents communistes, pour mettre leurs compétences et leur jeunesse au service de Staline et de l'Union soviétique .

Ils connaitront ensemble le camp de Nozino en Sibérie où les pires conditions de survie mettent à mal leur amitié et où leur candeur et leur jeunesse  disparaissent à jamais .

À ces situations extrêmes , répondent une large palette de sentiments : amour et haine , lâcheté et loyauté avec des frontières qui s'effacent comme les paysages blancs de la steppe . Jusqu'où un être humain peut-il aller pour sauver sa peau , l'amour est-il plus fort poussant au sacrifice ?

De retour de ce camp de l'horreur, Elias rentre en Espagne au moment de la guerre civile, en mission pour le parti communiste , puis lors de la défaite des républicains en camp à Argelès .

Entre les chapitres de l'histoire mouvementée et tragique d'Elias, l'écrivain bascule sur la période récente où Gonzalo, le frère cadet de Laura , avocat sans envergure et homme sans combat , est ébranlé par le suicide sa sœur et affronte peu à peu tous les non-dits de son enfance , de l'histoire de sa famille . Il décide de reprendre le dossier sur cette mafia russe sans se douter où il va mettre les pieds.

Victor Del Arbol malmène son lecteur, il faut s'accrocher devant les différentes tentacules , aussi bien du passé de communiste actif d'Elias, que de cette puissante Matriochka , son récit est comme les poupées russes, quand on croit avoir déroulé le fil, il en arrive un autre autant emmêlé.

Les portraits des personnages sont approfondis, léchés, ambigus souvent , laissant souvent un sillage de trouble chez le lecteur.

Héros ou monstre ? 

"Le monstre avait peut-être toujours palpité en lui, attendant patiemment son heure pour dévorer la carapace qui le dissimulait au regard des autres. "

Jusqu'où nos convictions peuvent-elles nous mener , ne deviennent-elles pas souvent la façade pour une cause personnelle : narcissisme, vengeance, âpreté du gain, complaisance dans l'état de  violence ...

J'ai beaucoup aimé ce roman bouleversant, dur, exigeant .

Si les conditions des goulags ont déjà étaient décrites, c'est à chaque fois la même abomination avec la nausée qui prend à la gorge . Celles des camps des républicains espagnols, comme ceux d'Argelés ont été une découverte pour ma part .

 

 

 

 

 

 

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8 janvier 2024 1 08 /01 /janvier /2024 09:47
Premières plumes de Charlie Gilmour

Un oisillon tombé du nid est confié à Charlie, un homme de 27 ans , en couple avec Yana . Il n'a pas envie de s'en occuper et ne sait pas comment s'y prendre . Mais à eux deux, les premiers jours si délicats dans la survie passent et la petite pie , baptisée Benzene , est toujours vivante . Elle va faire partie intégrante de la vie de Charlie et transformer radicalement son quotidien .

La cohabitation  avec cet oiseau à la mauvaise réputation, oiseau de malheur comme tous les corvidés , oiseau nuisible qu'on n'hésite pas à piéger,  le projette dans le souvenir de son père biologique, le poète Heathcote Williams qui a abandonné sa compagne et leur fils de 6 mois , seule personne à la connaissance de Charlie a avoir vécu lui aussi avec un oiseau de ce genre, une corneille .

La quête de reconnaissance , le besoin de savoir les raisons de cet abandon sont une obsession qui revient périodiquement chez le jeune homme qui, bien qu'adopté par un père aimant et attentif , se perd,  à la fin de son adolescence  , dans la drogue , l'alcool et la violence ce qui lui vaudra une peine de prison .

"Je ne sais même pas vraiment pourquoi je pleure. Je ne comprends pas comment tout ça a encore du pouvoir sur moi. Comment le rien, une absence qui a été comblée, peut-il encore laisser une trace ?...

Une espérance compliquée. Un sentiment de culpabilité et de honte. Un oiseau qui frappe sa tête contre un carreau de fenêtre. "

Persuadé d'être la cause du départ de Heathcote , il tente à plusieurs reprises de renouer le contact, mais le poète est un homme fuyant , ambigu, qui par intermédiaire de tours de magie et de propos anodins , se ferme à toute forme d'amour paternel .

Ce récit a une double face : un hymne à la vie avec Benzene dont Charlie décrit avec minutie l'évolution vers l'âge adulte, son adaptation à son existence avec les humains, ou plutôt l'adaptation des humains aux exigences de l'oiseau puis les tentatives d'envol en liberté avec l'espoir que l'oiseau revienne ...

L'autre visage de l'histoire est celle de la souffrance profonde de cet homme,  à la veille de devenir père à son tour , de l'abandon du père, de l'incompréhension et de la recherche d'amour de son géniteur ainsi que, bien entendu, la peur de reproduire le même comportement .

L'écriture , à partir des notes , écrits, carnets de Healthcote retrouvés après sa mort , apporte à Charlie la voie de la résilience, l'acceptation de l'attitude paternelle à défaut du pardon .

La responsabilité de la survie de l'oisillon puis la confrontation avec le comportement inné de la pie entrainent un sursaut de responsabilité et l'obligation pour Charlie de sortir de sa gangue de rébellion et d'égocentrisme , et d'enfin s’intéresser à autre chose que lui-même et regarder vers le ciel et non derrière lui..

J'ai été comblée par ce  très beau récit  autobiographique en grande partie semble t'il . L'écriture est agréable , fluide . Le livre apporte également des informations intéressantes sur les corvidés avec un réel souci de l'auteur de chercher les connaissances sur leur mode de vie aussi bien dans leur milieu naturel que la cohabitation sereine avec l'homme, celle de ne pas nuire  .

"Voler, c'est n'exister dans rien d'autre que l'instant; être présent sans une pensée vers le passé, l'avenir à un battement d'ailes."

 

Un grand merci à NetGalley et aux Éditions Métailié  pour cette belle découverte.

#Premièresplumes #NetGalleyFrance

 

 

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3 janvier 2024 3 03 /01 /janvier /2024 09:57
Aysuun de Ian Manook

Je n'ai pas le souvenir d'avoir déjà lu des récits concernant les exactions des soviétiques sous prétexte d'une campagne de pacification sur le peuple mongol et le peuple touva au début du XX eme siècle.

En 1930, le major Kariakine et ses hommes massacrent la famille d'Aysuun, 13 ans à l'époque et laissent pour mortes Aysuun et sa mère après les avoir violées .

C'est le début de l'histoire que Aysuun , fille du peuple Touva raconte à un jeune étudiant . C'est une très vieille dame et elle a vu son monde se transformer radicalement .

Peuple nomade, les touvans vivent dans la steppe sibérienne avec leurs troupeaux de rennes, guidés par leur chaman .

Ian Manook a l'art de nous transporter dans cette nature sauvage, de nous faire pénétrer par le bon coté dans les yourtes , de nous faire gouter la Vodka au lait de jument , de nous faire chevaucher au milieu de la harde des chevaux et de nous faire écouter les paroles du chaman. Il est un des leurs quand il écrit ...

Lorsque Kariatrine devenu Colonel réapparait  dans ce territoire,25 ans plus tard, le moment de la vengeance sonne comme une évidence pour Aysuun.

Le faire souffrir au plus profond de son être , le toucher sur ce qu'il a de plus cher , c'est une vengeance murie, aidée par tous les membres de sa communauté et par les esprits qui vivent en eux depuis longtemps.

Femme au courage et à la détermination sans faille, Aysuun est tantôt le chasseur, tantôt la proie .

Une très touchante héroïne qui va marquer ma mémoire .

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30 décembre 2023 6 30 /12 /décembre /2023 17:01
Je suis fait de leur absence  de Tim Dup

Un court roman qui fait entrer le lecteur  de plein fouet dans l'univers des féminicides  : celui de Sophie morte en 2001  tuée par son mari Henri .

L'histoire est narrée par Pierre , 21 ans , le fils de Sophie .

20 années ont passé depuis le drame mais plusieurs événements se bousculent au début du récit.

La maison où a vécu Sophie puis Pierre, élevé par ses grands parents et son oncle Vincent doit être vendue.

Henri sort de prison et traine dans la région.

Et Pierre est follement amoureux de Victoria .

L'auteur prend le parti pris de raconter l'histoire du point de vue du fils qui arrive à l'âge adulte et envisage une vie de couple .

Pour lui qui n'a pas de souvenir de sa mère mais dont la présence est constante , les questions se bousculent .

"Mais c'est vrai que ,dans la famille, Sophie et sa mémoire ont toujours été sacralisées,: lui offrir la trace d'un ange, d'une écrasante sainteté . J'ai grandi dans la fabrication d'un souvenir. C'est comme si nous avions volé l'humanité de ma mère. elle ne peut être que morte , puisque sans aspérités."

Il se frotte au sentiment de culpabilité des parents et du frère de Sophie . il s'interroge sur aussi sur la reproductibilité de la violence de son père dans son comportement à lui .

Tant de questions existentielles qui lui font perdre l’apaisement qu'il avait acquis difficilement pendant son enfance et que seule Victoria calme par son amour .

"Victoria m'extirpe enfin du fantôme de Sophie. Outre l'amour que je lu porte, pour la première fois , même si c'est dantesque de lui faire endosser ce rôle, elle est une alternative à l'ombre de ma mère. et cette idée me soulage un peu ."

Entre les chapitres de Pierre, des retours sur la rencontre entre Sophie et Henri et leurs quelques années de vie commune apportent peu à peu un éclairage sur les éléments du drame au lecteur

C'est un récit puissant qui m'a beaucoup perturbé car on s’intéresse  peu au devenir des enfants victimes de ces féminicides et le malaise, le mal-être de Pierre est très bien exprimé , j'ai souffert avec lui, n'osant imaginer une pareille situation.

Tim Dup fait preuve  d'une grande sensibilité , elle est  à fleur de peau et s'insinue dans le cœur du lecteur.  

J'avoue que je ne connaissais pas  ce jeune musicien, auteur-compositeur , engagé dans plusieurs associations contre les violences faites aux femmes . Je vais écouter avec curiosité ses albums après avoir vibré d'émotion en lisant ce premier roman .

Un grand merci à NetGalley et aux Éditions Stock pour cette découverte .

#Jesuisfaitdeleurabsence #NetGalleyFrance

 

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25 décembre 2023 1 25 /12 /décembre /2023 17:28
Seul le mensonge est vrai de Malik Sam

Fille ou garçon, il faut se décider vite, le bénévole s'énerve alors Nour Rassol, 17 ans, opine de la tête et la marche en arrière n'est plus possible, elle sera fille .

C'est pourquoi elle a fui le Bénin avec Rhonda , sa sœur bien aimée, pour pouvoir vivre sa vie et son corps comme elle le sent.

Seulement, il y a le désert et la soif .

Seulement il y a le camp de rétention, à la frontière avec la Lybie , la Choucha  , avec la faim, la saleté, la violence .

"passer coute que coute "

alors quand les papiers tant attendus pour le départ sont refusés, c'est le choix du mauvais camp et de victime devenir bourreau mais pour combien de temps ... Toujours se cacher , cacher ce corps .

Trahir ses amis peut-être et les voir mourir .

Tout n'est que sang , cris , douleurs .

Un terrible récit qui conduit le lecteur sur les routes dangereuses de l'exil où la violence est la première des lois , l'absence de scrupules et le gain de l'argent sont le credo des passeurs avec souvent la complicité des policiers .

Survivre dans les camps est une épreuve quotidienne, le règne de la débrouille, souvent du plus fort ou du plus malin mais il y a aussi l'entraide entre les femmes , des amitiés qui se nouent malgré l'horreur, mais Nour ne se fie à personne , surtout ne confie jamais son secret même quand les doutes sont là , elle fait peur .

La difficulté de la crédibilité de ce récit est lié à mon avis au choix du changement de genre de Nour, fille dans un corps de garçon , la promiscuité dans de nombreuses situations rendant le mensonge difficile à soutenir et à croire .

Je remercie Masse Critique et les Éditions Eyrolles pour cette lecture éprouvante qui dépeint avec réalisme le calvaire de ceux qui aspirent à une autre vie  .

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21 décembre 2023 4 21 /12 /décembre /2023 15:42
Les naufragés du Wager

Oh ! combien de marins, combien de capitaines
Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines,
Dans ce morne horizon se sont évanouis ?
Combien ont disparu, dure et triste fortune ?
Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune,
Sous l’aveugle océan à jamais enfoui ?

oceano nox  de Victor Hugo

Ce récit élaboré par David Grann à partir de nombreux documents entraine le lecteur entre les quarantièmes rugissants et les cinquantièmes hurlants  .

La fière flotte anglaise dont le Wager est partie en 1740 avec comme but de s'emparer d'un trésor à bord d'un galion espagnol sur la route des Indes. Les tentatives de passage du cap Horn se soldent par le naufrage du navire sur une ile désolée au sud de la Patagonie . À bord du bateau ne restent que 145 hommes déjà affaiblis et qui ont survécu aux mauvaises conditions à bord, aux tempêtes, au typhus, au scorbut, aux accidents divers  ...

Leur survie sur l'ile, si elle est extrêmement précaire entraine une scission du groupe puis une mutinerie.

Le courage et  l'esprit d'initiative de certains des rescapés font qu'un petit nombre d'hommes rentreront finalement après d'autres péripéties en Angleterre, les différentes versions vont s'affronter.

David Grann a réalisé un travail colossal et excellent qui captive totalement le lecteur : un morceau de bravoure pour saluer cette aventure tragique , sans oublier le sort des indiens de Patagonie à qui beaucoup de rescapés doivent leur survie mais qui ont été ensuite exterminés ...

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