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29 janvier 2024 1 29 /01 /janvier /2024 10:27
La femme sauvage de Jeroen Olyslaegerst

Au XVI eme siècle, Anvers est une ville prospère , arrivée au moment du récit à son apogée , gouvernée par la sœur du roi Philippe d'Espagne et où se côtoient papistes, luthériens et calvinistes dans une tolérance apparente mais superficielle, .

Beer est propriétaire de l'Auberge de l'Ange . C'est un homme marqué par le décès de ses trois femmes et seul l'enfant de la dernière a survécu, Ward .

Dans le début de la première partie, intitulée l'Homme sauvage , le lecteur survole les années brèves des trois mariages de Beer , il se sent maudit mais le visage des mortes s'effacent peu à peu .

"Le remords est la première porte du deuil, ai-je appris, et cette porte s'ouvre sur un couloir long et étroit qui semble interminable et qu'il faut traverser, qu'on le veuille ou non. "

Rapidement, l'histoire dévie sur les fréquentations de l'aubergiste : gens de tout bord politique ou religieux , nobles , philosophes , imprimeurs, libraires et marchands se succèdent et viennent discuter, batailler ou s'épancher . Beer reçoit respectueusement ses hôtes en fonction de leur importance et en premier lieu ceux de la Famille de l'Amour, sorte d'association de notables dont les motivations ne sont pas toujours charitables mais souvent mercantiles.

Circulent également à l'auberge des ouvrages interdits considérés comme blasphématoires .

D'ailleurs il héberge un anglais, John Dee, qui rédige un livre de dialogue direct avec Dieu et les Anges.

La religion et surtout le rapport permanent avec Dieu est omniprésente dans ce roman mais ce n'est en aucune manière du prosélytisme . Il faut y voir plus le poids des différentes croyances pesant sur les gens de ce siècle avec l'importance des réformes protestantes , en particulier aux Pays Bas  et le poids du catholicisme imposé par les Espagnols. Il persiste , comme dans d'autres pays et d'autres époques jusqu'à la notre des rites païens , en particulier autour de la fin de l'hiver, et c'est là qu'intervient l'Homme sauvage joué par Beer dans une fête annuelle d'Anvers .

" Pour moi, l'Homme sauvage que je ressuscitais chaque année à la Chandeleur était peut-être même notre véritable forme à tous, le passé immémorial qui nous reliait tous . "

La vie de cette époque est également bien évoquée , avec , en particulier un hiver très rude qui a entrainé une famine et a dévoilé au grand jour la faiblesse des dirigeants, incapables de venir en aide à la population.

La deuxième partie concerne à la fois la révolte des gueux , puis une conspiration comme un vent de folie,balayant tout sur son passage et la mutinerie des troupes espagnoles qui saccagent la ville avec la mort de nombreux habitants .

Avant le déferlement des soldats espagnols  Beer a déjà quitté la ville et s'est installé à Amsterdam. , ayant tout perdu , ses amis et son honneur abusé par un homme perfide et rusé qui s'est servi de sa naïveté et de sa complaisance .

Il fuit avec la femme "sauvage" ramenée d'une expédition au grand Nord et logée , ou, devrais-je dire emprisonnée , avec sa fille à l'auberge de Beer qui va organiser des visites pour apercevoir  ce que la plupart des gens appelle des bêtes jusqu'à ce que Beer se donne la peine de regarder cette femme comme un être humain .

Roman foisonnant tant l'histoire de cette période et de cette ville est dense . C'est richement documenté, jamais ennuyeux même si le récit entremêle parfois différentes époques, il faut juste être attentif .

C'est aussi à travers l'histoire d'un homme, l'aubergiste Beer , une leçon d'humilité , d'amitié et de pardon.

"Pour moi, l'acceptation est quelque chose d'absolu, quelque chose qui doit valoir pour le restant de tes jours. Mais là, près du feu, je me suis rendu compte que ça pouvait se limiter à un instant."

J'ai eu , pendant un long moment l'impression de voyager dans les tableaux du peintre Pierre Bruegel , un visionnaire  , qui dans ce roman fréquente l'auberge et entretient des rapports cordiaux avec Beer , cela m'a permis de bien rentrer dans ce siècle en regardant la reproduction de ses toiles .

Je remercie NetGalley et les Éditions Stock
#Lafemmesauvage #NetGalleyFrance

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