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Ilaria Tuti , comme dans son roman Fleur de roche nous conte un nouvel épisode d'exploits extraordinaires se déroulant pendant la première guerre mondiale à partir de faits véridiques auxquels elle rajoute des personnages romancés donnant une lecture captivante dans son ensemble .
Des femmes anglaises, chirurgiennes , fondent en Septembre 1914 un premier hôpital en France derrière la ligne de front et opèrent les soldats blessés.
Ce fait est déjà en soi un exploit mais cela brave la pratique habituelle de la médecine et en particulier de la chirurgie où , jusqu'à présent, les femmes munies de leur diplôme de médecin n'étaient "autorisées " qu'à pratiquer les soins aux femmes et aux enfants, une tolérance accordée du bout des lèvres hargneuses et dédaigneuses de leurs pairs .
Donc, imaginez le tollé, le maelstrom que la volonté d'apporter leurs compétences aux soldats blessés a pu déclencher .Et en premier lieu aux potentiels candidats eux-même , non rassurés de voir ces chirurgiens en jupon .
"À l’Hôpital auxiliaire 173, la chirurgie de guerre était désormais une pratique quotidienne, comme les frictions avec les soldats hospitalisés. Il leur suffisait d'avoir encore un reste d'énergie , fût-ce celle de leur dernier souffle , pour se rebeller contre l'idée de finir entre les mains de femmes médecin."
Elles créeront ensuite un Hôpital plus grand sur Londres , les blessés arrivant par contre beaucoup plus tard avec tous les dégâts que l'on peut imaginer sur le retard de ces prises en charge impensable de nos jours ...
Ilaria Tuti met en scène une jeune femme , Cate, gynécologue de formation qui va faire partie de l'équipe de ces femmes chirurgiennes bien qu'elle soit la maman d'une petite Anna qu'elle doit laisser aux bons soins d'amis lorsqu'elle part en France .
Elle est italienne par sa mère, cliché à l'origine de l'autrice et qui introduit également la méfiance dont elle fait l'objet en temps de guerre , l'Italie n'étant pas à ce moment là dans le camp des alliés.
Parallèlement à l'histoire de ces femmes, nous suivons le Capitaine Alexander Seymour et ses hommes sur les champs de bataille dans le Nord de la France et de la Belgique , réalisant des exploits de bravoure au prix de blessures parfois mortels pour nombreux de ces soldats .
Les descriptions du front sont saisissantes, et glaçantes .
Alexander est un homme courageux mais aussi il est attaché aux hommes qui l’accompagnent , un homme foncièrement bon , sincèrement affecté par la perte de ceux qui sont devenus des amis et conscient que cette guerre va les transformer en profondeur, à commencer par lui .
Tout d'abord avec leurs graves blessures menant souvent à des amputations qu'ils supportent très mal mais aussi psychologiquement affectés par leurs handicaps et ne les acceptant pas .
C'est là qu'intervient , lorsqu'ils sont hospitalisés à Londres , un homme Ernest Thesiger, acteur britannique célèbre , excentrique et qui leur propose une activité que l'on appellerait actuellement "restauratrice " mais habituellement réservée aux femmes ...
Cela déclenche beaucoup d'oppositions et de réactions négatives parmi les blessés mais aussi parmi les "hommes d'influence "de la capitale .
Bien sûr, on imagine dès le début du roman une histoire d'amour, elle reste sobre n’empiétant que peu sur la gravité des sujets mais apportant une note plus distrayante à l'histoire .
Ilaria Tuti , d'ailleurs , et j'ai apprécié , reste peu bavarde sur les histoires parallèles , elle va à l'essentiel pour la compréhension du récit sans nous noyer dans les détails des diverses vies privées .
J'ai beaucoup aimé ce roman historique avec d'une part l'obstination des femmes médecins , dont certaines faisaient partie du mouvement des suffragettes, de pratiquer leur art comme les hommes . Elles font fi de l’opprobre dont elles sont l'objet , tournées essentiellement vers le but de soigner les soldats et de participer à l'effort de guerre à la hauteur de leurs compétences .
D'autre part, ce récit appuie également sur le destin de ces hommes blessés, en particulier amputés , considérés d'abord par eux-mêmes comme des sous-hommes , souvent rejetés par leur famille et la société et aussi sur ceux atteints psychologiquement et dont on ne reconnait pas la souffrance à une époque où on était fort loin de reconnaitre le syndrome du stress post-traumatique chez ces hommes revenant brisés après ce qu'ils avaient vécu et fait.
Un grand merci à NetGalley et aux Éditions Stock pour cette belle découverte .
#LesFemmesdEndellStreet #NetGalleyFrance