Prisonnier du rêve écarlate d' Andreï Makine

Le jeune Lucien Baert , originaire de Douai et communiste convaincu, part avec quelques camarades pour une découverte de l' Union soviétique en 1939.

Les visites sont , bien entendu, encadrées et Lucien découvre par hasard l'envers du décor...

Lors  d'un arrêt pendant le voyage retour , Lucien voit le train repartir sans lui mais la suite des événements ne va pas du tout être ce qu'il a imaginé et il se retrouve dans les geôles et les goulags  , est enrôlé dans l'armée soviétique puis de nouveau dans les camps de travail .

"Le réconfort vient d'un constat simple : ces visages couverts d'engelures, ces corps courbés sous le minerai arraché à la terre lui rappellent ceux qu'il a vus dans un local enfumé d'une usine. Des hommes vrais et non pas des "comédiens" déguisés en bâtisseurs du communisme . "

Il va rester presque 30 ans , sous une autre identité , malmené par le régime stalinien puis réussissant à se faire oublier ensuite lorsqu'il vit dans un ancien kolkhoze dans le Nord de la Russie avec Daria .

Il parvient à revenir en France vers 1968 à la recherche de son passé et de sa famille et à son retour fait l'objet d'un livre racontant son histoire . La tourmente de Mai 1968 emporte au loin les révélations qu'il a pu faire sur la réalité en URSS ...

Ce roman explore à la manière d'un film balayant plusieurs décennies de l'histoire soviétique et mondiale , cette façon de dérouler rapidement les événements m'a gênée. 

J'ai préféré l'interrogation sur la mémoire, celle de Lucien perdue lors d'un interrogatoire musclé et qui lui revient sous forme de flashs et de bribes d'Adagio .

Mémoire trahie également lors de la narration de ses péripéties par Julia, journaliste qui voit là le bon filon , des souvenirs qui sont transformés mais qui vont resurgir lorsque le tourbillon de son retour avec l'afflux de nouveautés va se dissiper .

Ces fragments de mémoire sont confrontés avec la parution de L'archipel du Goulag de Soljenitsyne que Julia lui fait lire .

La mémoire de ces années noires en URSS s'efface peu à peu avec la disparition de ceux qui ont vécu, qui ont souffert ou qui sont morts sous les coups ou les privations du régime et puis il y a ceux qui se sont écartés de la "roue de l'histoire "qui tourne et avance et qui recréent un monde sans maitre , fait de solidarité et d'amour .

"En parcourant ces "localités rurales sans perspectives ", Lucien constate que ceux qui y vivent se rapprochent d'un mode d'existence où l'intérêt matériel cède la place à l'entraide, à la volonté de secourir le plus faible. C'est ici qu'il rencontre une générosité irréfléchie, la liberté de travailler sans craindre d'être remplacé par quelqu'un de plus performant .

Il se dit que, dans cette contrée déserte subsiste le dernier reflet du projet communiste, chez les gens revenus de toutes les illusions et qui retrouvent la simple humanité depuis longtemps perdue ailleurs ".

Un constat terrible et beau à la fois !

Je remercie NetGalley et les Éditions Grasset pour cette lecture marquante .
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