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21 octobre 2023 6 21 /10 /octobre /2023 21:17
Nos coeurs disparus de Celeste Ng

Aux États Unis , dans un futur que l'on peut imaginer facilement proche, Bird Gardner un jeune garçon de 12 ans mène une existence monotone avec son père . Sa mère, la poétesse Margaret Miu est partie depuis trois ans et depuis Ewan Gardner qui était professeur d'etymologie a du quitter son travail . Il est devenu bibliothécaire  et loge maintenant dans un petit appartement d'une cité universitaire. Surtout, ne pas se faire remarquer, c'est la devise qu'il martèle à son fils depuis que le pays est dirigé par le PACT , pour préserver la culture américaine ,avec un esprit  résolument anti-chinois. Or Margaret Miu est une femme sino-américaine dont un poème est devenu l'emblème de la lutte contre le PACT et le placement des enfants de personnes aux idées jugées trop subversives.

Les bibliothèques sont devenues des coquilles vides, beaucoup de livres, estimés tendancieux ont été retirés des rayons  mais justement , ces allées silencieuses désertées par les lecteurs sont devenues des messagères spéciales ...

Bird reçoit un jour une lettre mystérieuse , sa mémoire engourdie par cette vie peu palpitante va se réveiller et peu à peu les histoires que lui racontaient sa mère resurgissent , des contes qu'il reconstitue et le pousse à sortir de son cocon et en même temps de son enfance.

Dans la deuxième partie est évoquée la vie de Margaret Miu, son combat mais j'ai été beaucoup moins sensible qu'à la grâce enfantine de Bird et de son amie Sadie, une enfant "déplacée " et à l'amour discret et protecteur d'Ethan Gardner.

Le thème des enfants déplacés fait l'objet maintenant de nombreux récits, et tant mieux,souvent  enfants des peuples premiers pour tenter d'effacer leur culture .

Là , leur histoire est mélangée au pouvoir des livres, à la résistance de certains individus devant un régime répressif . Il m'a manqué un véritable élan pour vraiment apprécier ce roman.

.

 

 

 

 

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20 octobre 2023 5 20 /10 /octobre /2023 09:59
Okavango de Caryl Férey

Autant le dire d'emblée, ce que décrit Caryl Férey est difficilement supportable pour les âmes sensibles...

Autour d'un thriller bien conduit , l'écrivain fait un état des lieux du braconnage passé et malheureusement actuel en Afrique en particulier autour du fleuve Okavango en Angola, Namibie et Boswana , y compris dans les parcs privés comme le Wild Bunch où se déroule principalement les événements. Ce parc est réputé pour son accueil luxueux et la qualité de l'observation des Big Five . Sa vedette est un vieux rhinocéros baptisé Longue Corne .

John Lattam découvre lors d'une sortie avec des touristes le cadavre d'un homme. Les rangers Solanah et son coéquipier sont prévenus du meurtre et d'une tentative de braconnage.

Le personnage de John Lattam , blanc d'Afrique du Sud est difficile à cerner pour les enquêteurs, il a fait fortune en exploitant une mine de diamant sur son domaine , qu'il partage avec la tribu San locale.

D'autres cadavres sont découverts, un vaste réseau de trafic d'animaux sauvages est mis à jour . Les soupçons se portent sur un trafiquant appelé le Scorpion...

Caryl Férey distille également entre les méandres de l'enquête , un sombre tableau sur la difficulté de la survie des tribus , leur implication dans la sauvegarde de la faune, rendue délicate par rapport à la protection de leur troupeau et , à l'inverse, l'attrait de l'argent proposé par les contrebandiers ...

"-Tu le sais aussi bien que moi : dès qu'un animal est menacé, sa cote à la Bourse du braconnage grimpe en flèche, et moins il en reste et plus on s'acharne. Rien n'est fait pour sauver les survivants du génocide , respecter leur habitat ou simplement garantir leur liberté  ... Quand ils réagiront bien sûr, il sera trop tard, on fonce déjà dans le mur , c'est juste une question de violence de l'impact, mais personne ne freine le bolide de la catastrophe écologique."

Un excellent roman avec des personnages attachants et une cause animalière chère à mon coeur !

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19 octobre 2023 4 19 /10 /octobre /2023 10:03
Personne ne meurt à Longyearbyen de Morgan Audic

Après les lions et les rhinocéros dans @Okavango de Caryl Ferey, après les ours dans @Et vous passerez comme des vents fous de Clara Arnaud, voici venir s'échouer, baleines, bélugas et dauphins dans l'Archipel du Svalbard et dans les Iles Lofoten ...

Triste  Planète !

Ces morts suspectes accompagnées de mutilations interpellent une jeune scientifique, Agneta , retrouvée déchiquetée par un ours près du cadavre d'un béluga . C'est Lottie ,une jeune flic de Longyearbyen qui est chargée de l'enquête , elle n'est pas cependant persuadée malgré les apparences que la mort de l'étudiante soit due à l'ours.

Dans les Iles Lofoten, Asa, une ancienne journaliste de guerre, convertie dans les activités touristiques autour des cétacés, est retrouvée noyée après avoir sauté d'un pont. Son ancien ami, le journaliste Nils Madsen ne croit pas à un suicide et se rend sur place.

On se rend compte que , même dans ces contrées arctiques, isolées, au dur climat et aux conditions de vie compliquées,avec des nuits polaires interminables ,  les hommes ne se battent pas que pour leur survie et dans les deux cas de morts suspectes, les coupables potentiels sont légion : les pêcheurs baleiniers dont les pratiques sortent de la légalité et qui tuent sans scrupules, des russes occupant une ancienne ville dans une enclave et aux activités peu claires, un professeur d'université irascible, un chasseur solitaire et asocial , des jeunes nostalgiques de l'extrême droite ...

J'y ai appris beaucoup de choses sur l'espionnage, sur le braconnage , sur les recherches scientifiques, l'exploitation des animaux ...

Le rythme est soutenu , et j'ai bien aimé suivre nos deux enquêteurs , même si j'avais préféré @De bonnes raisons de mourir .

Je vais faire en sorte de choisir des sujets plus légers pour mes prochaines lectures car la constatation de ces ravages de notre faune et de notre monde en général me dépriment gravement...

 

 

 

 

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16 octobre 2023 1 16 /10 /octobre /2023 15:30
Les alchimies de Sarah Chiche

En 2022, Camille Cambon , médecin légiste , est intriguée par un mail l'invitant à prendre contact au sujet du crane du peintre Goya .

Pour l'histoire , en 1888 lors de l'exhumation du corps de Goya , enterré à Bordeaux , le crane a disparu et depuis fait l'objet de recherches et d'hypothèses parfois farfelues.

Les parents de Camille et son parrain, médecins tous les trois se sont passionnés pendant leurs études sur cette disparition et aussi sur le changement total de genre de peinture de l'espagnol lorsque après une grave maladie , il se réfugie à Bordeaux . Il n'est qu'à regarder les gravures et dessins de cette dernière période pour constater que l'homme était tourmenté ...

Le roman se déroule en plusieurs parties avec des époques différentes.

La première partie s’intéresse principalement à la vie de Camille , passionnée par son travail à l'hôpital mais le conciliant difficilement avec les demandes de sa fille adolescente .

Sarah Chiche y glisse les difficultés actuelles de l'hôpital et le scandale des corps donnés à la science à l'Université de médecine Paris-Descartes qui a défrayé la chronique en 2022 .

Ensuite, lorsqu'elle se rend à ce mystérieux rendez-vous à Bordeaux, elle découvre par l'intermédiaire de son interlocutrice tout un pan de vie du trio représenté par ses parents et son parrain pendant leurs études médicales . De propos frisant parfois la pédanterie lors de leur projection sur leur future carrière à leurs expériences de drogue et de bacchanales sans limites , Sarah se rend compte que ceux qu'elle a chéris et qu'elle a perdu tôt ont brulé leurs ailes , la frontière avec la folie est étroite ...

"-L'esprit humain , Camille, est un labyrinthe de couloirs troué d'apparitions claires, de couleurs éclatantes ou sourdes, de crépuscules d'enfance apaisants et de monstres immenses tirés du fond des siècles."

La quête sur le devenir du crane de Goya , sur la phrénologie et sur l’œuvre du peintre est plutôt détaillée et bien faite, cela fait l'objet d'une véritable énigme et on prend plaisir à se ballader dans le Bordeaux ancien .

Cette histoire à multiples tiroirs m'a évoqué ces tableaux de crâne humain , appelés Vanités et représentant la fragilité de la vie humaine ...

Si j'ai bien aimé la partie contemporaine avec Camille, j'ai par contre moins apprécié la narration sur le passé de ses parents.

 

 

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15 octobre 2023 7 15 /10 /octobre /2023 11:47
Le paradis caché de Luca di Fulvio

Luca di Fulvio mêle dans ce nouveau roman intrigue policière et histoire romanesque au début du XVII eme siècle en Italie au moment où l'église s'interroge sur la pertinence de l'accusation de sorcellerie et des buchers .

Le roman se partage entre les événements de 1633 après la découverte de deux morts, l'astronome Weser et sa servante égorgée . A coté du corps du vieil astronome qui a fait l'objet d'une mise en scéne macabre, gît, inconsciente, sa jeune épouse, Susana recouverte de sang.

Victime toute désignée , la jeune femme est accusée de sorcellerie , mise au cachot . Son procès débute rapidement dirigé par l'inquisiteur Maximilien Tron et son secrétaire Paolo.

Daniele di Marco, le gardien des loups, prévenu par le prieur Theret , sort de sa retraite et se propose comme dominici daemoni, l'avocat du diable !

Entre ces épisodes nous revenons quelques années auparavant sur l'enfance de Daniele , conduit au couvent par son père après le décès de sa mère alors qu'il avait 5 ans et à la même période, la naissance de Suzana . Ce bébé dont la mère est morte au moment de l'accouchement est recueilli dans le monastère par le prieur Theret puis élevée au couvent par une abbesse . Le destin des deux enfants est irrémédiablement lié .

A cette époque, où la femme était considérée comme un être impur et inférieur , certaines personnes, hommes ou femmes , bravaient les interdits et les superstitions en permettant l'accès à l'éducation et la connaissance à des enfants, telle Suzana dont l'intelligence brillante, l'esprit rebelle et sa curiosité sans limite ont marqué le prieur et l’abbesse . Suzana a pu ainsi accéder à un haut niveau de connaissances dont , une fois installée dans un village elle a voulu faire profiter ses habitantes en commençant par leur apprendre à refuser la servitude dans laquelle elles sont enfermées.

C'est également un beau roman d'amour , rendu difficile par les démons qui hantent Daniele depuis son enfance et les jalousies et mesquineries des gens qui les entourent .

C'est avant tout un joli portrait de femme libre , refusant les carcans de son époque en particulier ceux imposés par l'église toute puissante mais elle même divisée et en proie aux luttes de pouvoir.

Combat du pt de terre contre le pot de fer me direz-vous mais la lutte de Suzana pour rester elle-même peut déplacer des montagnes .

J'ai retrouvé l'écrivain que j'avais aimé dans le Gang des rêves et le Soleil des rebelles et que j'avais perdu dans ses romans suivants même si mon plaisir a été un peu gaché par quelques longueurs et répétitions .

J'avais imaginé une fin différente mais là, chacun en jugera !

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14 octobre 2023 6 14 /10 /octobre /2023 14:33
La maison aux sortilèges de Emilia Hart

Pour son premier roman , Emilia Hart nous présente trois destins de femmes de la même famille Weyward et sortant de l'ordinaire .
C'est aussi le nom de la petite maison dans laquelle elles auront vécues une partie de leur vie.

En 2019, Kate quitte un mari violent et possessif pour aller se réfugier dans la maison que sa grand-tante Violett lui a léguée.

On va suivre Violett à l'âge de 15 ans en 1942 lorsqu'elle habite avec son père et son frère le manoir voisin .
Elle est toujours à la recherche d'informations sur sa mère décédée quand elle était petite et dont la vie est entourée de secrets .
Son père accueille un cousin soldat et l'arrivée de celui-ci va marquer un tournant dramatique pour l'avenir de Violett et de son frère.

En 1619 a lieu le procès d'Altha accusée de sorcellerie. Cette jeune femme habite Weyward et est une guérisseuse comme sa mère.

Le lien de ces jeunes femmes avec la nature est particulièrement fort avec un rapport étroit avec les corneilles dont les interactions viennent changer le cours du destin.

J'ai été peu enthousiaste , même si la lecture est aisée et l'envie de découvrir leur devenir bien présente mais justement, il y a eu peu de suspens à mon goût , on devine aisément les liens entre elles et la suite des événements .
Pas de coup de tonnerre à l'horizon.

Ce qui m'a en plus gêné , est le rapport avec une certaine magie alors que les mésaventures de Violett et de Kate sont malheureusement communes sans besoin de faire intervenir des éléments surnaturels et traversent les années .

L'accusation de sorcellerie au 17 eme siècle était fréquente dès que ces guérisseuses empiétaient sur le domaine médical bien peu évolué à l'époque et du fait d'un certain pouvoir du à leurs connaissances , à leur liberté et leur intelligence.
Leurs actes étaient facilement l'objet de peur et la cible des incompréhensions devant des phénomènes naturels.

L'autre reproche est de classer un peu vite tous les hommes dans la même catégorie de violence, de domination et de prédation , seul le jeune Graham, frère de Violett en réchappe mais il est décrit comme un être assez effacé et peureux ...
Dommage !

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11 octobre 2023 3 11 /10 /octobre /2023 12:02
Pour mourir,  le monde de Yan Lespoux

"Un lopin de terre pour naitre; la Terre entière pour mourir "...

et surtout l'océan, roi des tempêtes , véritable personnage de ce magnifique roman d'aventures qui nous transporte de 1623 à 1688 des côtes dangereuses du Golfe de Gascogne , aux ports de Lisbonne et de Goa, des landes malsaines du Médoc à la jungle brésilienne  à travers l'histoire mouvementée de trois jeunes gens .

Fernando Teixera, 15 ans, portugais , alors qu'il fuit sa famille , se fait enrôler contre son gré comme soldat de l'Armée des Indes . La devise qui le représente le mieux est : "toujours au mauvais endroit au mauvais moment depuis qu'il est né " Il est accompagné de Simao qui veut écrire leur histoire et a un sempiternel petit sourire ironique .

Marie, une jeune fille née dans une famille pauvre du Médoc, doit fuir car elle a , pour se défendre , gravement blessé un fils de famille. Elle se réfugie chez son oncle Louis, un pilleur d'épaves et un assassin sans foi ni loi hors la sienne au milieu d'un campement de résiniers et de costejaires .

Diogo Silva, un habitant de Salvador de Bahia fuit après l'incendie de sa maison lors de l'invasion des hollandais et se réfugie dans la forêt où il fait la connaissance de l'indien Ignacio. Faits prisonniers , ils sont finalement embarqués à bord 'un navire portugais en partance vers l'Europe.

Leurs péripéties s'entrecroisent au milieu des luttes de pouvoir entre Espagne et Portugal , entre capitaines, gouverneurs et autres hommes puissants qui ne cherchent que gloire ou richesse , entre attaques des anglais ou des hollandais que ce soit en Europe, en Inde ou au Brésil avec comme constante la traversée des océans sur des navires qui se veulent de plus en plus gros à l'image de l'appétit de profits de cette route des Indes et au dépens de leur maniabilité et du bien-être de leurs occupants , les images des cales des bateaux sont terrifiantes !

Un entassement d'hommes, soldats, marins et marchands dont la vie tient à peu de choses au milieu des mers déchainées .

Yan Lespoux décrit avec un luxe de détails à la fois les batailles inégales entre les bateaux et les éléments maritimes furieux qui finissent généralement par le naufrage des navires , comme les palais luxueux de Bijapur , ou le camp misérable des résiniers landais .

C'est épique, vivant , avec une écriture précise, souvent magnifique malgré la dureté des descriptions .

Les aventures des jeunes héros , tous attachants, que le lecteur suit avec angoisse sont trépidantes , on ne s'ennuie pas même lors des longues pages sur les mers . On s'y croit presque ...

Si je devais donner un prix littéraire pour cette rentrée très riche en excellentes lectures, ce roman serait à coup sur dans le peloton de tête .

Je remercie Masse Critique et Agullo Éditions pour cette belle découverte avec une mention spéciale également pour la couverture très bien choisie !

 

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6 octobre 2023 5 06 /10 /octobre /2023 18:10
Outaouais de Page Comann

Le duo de Ian Manock et Gérard Coquet récidive après leur premier roman Souviens-toi de Sarah que j'avais bien apprécié.

L'histoire débute à Sligo, en Irlande où sévit une famine qui décime les familles . Nous sommes en 1847. La petite ville est sous la coupe de Deaglan Mullargh et ses deux fils qui veulent obliger tous les hommes valides à combattre l'Anglais . Ils n'hésitent pas à massacrer ceux qui résistent.

C'est dans ce contexte que Kate et Martin fuient en s'embarquant sur un voilier vers le nouveau Monde .

Une traversée périlleuse entre Typhus et choléra à bord et les tempêtes malmenant bateau, équipage et passagers.

Arrivés au Canada, c'est le passage obligé sur La Grosse Ile , pour l'isolement . Ceux qui en sortent vivants sont peu nombreux .

Martin décide de partir dans une contrée sauvage et lointaine , l'Outaouais et se fait embaucher comme bucheron.

Les aventures continuent , le nombre de morts de toute sorte continue de s'accroitre d'autant plus quand les Mullargh débarquent à leur tour à la poursuite de Martin.

Beaucoup de personnages secondaires , de rencontres fortuites peu crédibles, d'histoires et toujours des morts violentes qui viennent se greffer sur l'intrigue principale ont gêné ma compréhension ( j'ai dû rater quelque chose ...) et la fluidité du récit et il m'a tardé de terminer ce roman , la fin étant cousue de fil blanc à mon avis.

Donc j'ai été déçue par ce nouveau roman .

 

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23 septembre 2023 6 23 /09 /septembre /2023 16:19
Et vous passerez comme des vents fous de Clara Arnaud

Clara Arnaud nous offre une majestueuse symphonie dont le chef d'orchestre est la montagne et les mouvements dominés par l'ours.

Située en Ariège, cette histoire est centrée sur le temps d'une estive d'une part avec Gaspard, le berger salarié d'un groupement pastoral à qui est confié un important troupeau de brebis .

Il est seul avec les chiens à surveiller les bêtes et à affronter ses souvenirs de l'accident de l'été précédent qu'une ourse, La Negra , avait à priori , provoqué .

À la même période, Alma, une éthologue part pour observer le comportement de cette ourse et de ses oursons.

En 1883, Jules, âgé de 13 ans , s'empare , la peur au ventre,  d'un ourson dans sa tanière, il veut devenir Montreur d'ours et partir aux États Unis.

La réintroduction de l'ours dans les Pyrénées françaises alors que la population locale avait quasiment disparue reste un sujet brûlant .

Clara Arnaud montre combien il est difficile de changer les mentalités, elle pointe du doigt toute l’ambiguïté de notre monde actuel .

Ambiguïté du pastoralisme avec pour certains l'absence de remise en question de leurs pratiques alors même qu'elles ont évolué , bien loin de celles vécues au siècle dernier. Les bergeries en montagne sont à l'abandon pour beaucoup d'entre elles et la forêt gagne sur les pâturages.

Ceux qui comme Gaspard veulent revenir aux modèles anciens, le berger monte avec ses bêtes et les garde, sont montrés du doigt,  lui est soutenu par Jean, un vieux berger plein de bon sens .

Ambiguïté de la réintroduction de l'ours qui se heurte à l'hostilité d'un certain monde pastoral prêt à utiliser le fusil et qui voit également d'un mauvais œil les démarches scientifiques comme le fait Alma , incompréhension sans chercher à comprendre le but de ces études et le bienfait que cela peut apporter avec une vision nouvelle de la cohabitation .

Certes, il faut regarder le pastoralisme avec bienveillance devant la complexité du travail , et Clara Arnaud décrit parfaitement les difficultés de l'élevage, la surveillance constante du troupeau , la fusion indispensable avec ses chiens .

Au dessus de toutes ces considérations que l'auteure expose bien , domine le changement climatique qui atteint les herbages , modifie les dates et les pratiques de la transhumance .Ses descriptions de la montagne sont vivantes, on ressent le froid de l'eau des torrents, le souffle du vent et la caresse impitoyable du soleil.

"Animal, on est mal " chantait Gérard Manset en 1968,  on en est où, en 2023 ? les mêmes erreurs se reproduisent, les mêmes mentalités obtuses persistent .

Ce roman magnifique est un cri de détresse !

Un grand merci à Masse Critique et aux Éditions Actes Sud pour cette excellente lecture .

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20 septembre 2023 3 20 /09 /septembre /2023 14:08
Veiller sur elle de Jean-Baptiste Andrea

Veiller sur elle est un magnifique roman , on peut y voir trois entrées.

La première entrée est une sortie. Celle d'un vieil homme à l'agonie ,  veillé par les frères qui l’hébergent depuis des années dans leur abbaye sans qu'il ait prononcé ses vœux .

Pendant que les moines s'interrogent sur la fin de vie de ce vieillard, lui se remémore toutes les années avant son enfermement volontaire .

Voilà la partie la plus conséquente du récit, riche en rebondissements et en personnages.

Atteint de difformité, certains le traitant de nain, un  nom qu'il n'a jamais admis, Michelangelo Vitalini surnommé Mimo est né en 1904 dans une famille italienne pauvre .

A la mort précoce de son père , un sculpteur qui lui a donné le goût des belles choses et lui a enseigné son art de façonner la pierre , Mimo est envoyé chez un pseudo-oncle sculpteur lui aussi   , méchant, cupide et incompétent en apprentissage  .

C'est lors d'une visite nocturne dans le cimetière qu'il rencontre Viola Orsini, 13 ans comme lui , fille de la puissante famille Orsini de la région.

C'est le début d'une amitié très forte, vibrionnante, tumultueuse , entre les enfants qui va devenir leur point d'ancrage malgré les nombreuses disputes et séparations qui suivront .

Le récit déroule ainsi l'histoire de l'Italie entre la première guerre mondiale et les années 1960 avec entre les deux, le choc de l'arrivée au pouvoir de Mussolini et de ses squadristes.

Mimo avec son talent reconnu de sculpteur navigue sans peine à travers les différentes époques, sachant se faire apprécier de mécènes, qu'ils soient religieux , les premiers à découvrir son talent ou politiques mais également , par son attitude souvent méprisante et cassante et  sa supériorité dans son art , se créant beaucoup d'ennemis .

Viola , elle, être fantasque, intelligente et rebelle reste enfermée dans son corps de femme de bonne société devant tenir son rang et ne pas faire de vagues , sa tentative de voler aidée par son ami Mimo, mettant un point final à son désir de liberté .

La troisième entrée de ce roman est celle de la Pietà, chef d’œuvre ultime du Maitre Vitalini , source d'interrogations sur la stupeur que certains ressentent en la contemplant et devant ce mystère, éloignée des yeux et enfermée dans les sous sols de l'abbaye où meurt Mimo .

Qui est cet "elle" sur laquelle il faut veiller, Viola ou la Pietà, et si elles ne faisaient qu'une ?

Jean-Baptiste sait très bien maintenir son lecteur suspendu à ses phrases, le récit est dense, émaillé de belles descriptions de la lumière de l'aube sur la campagne de Ligurie et ses champs d'orangers , de la poussière de marbre sous les coups des outils des sculpteurs, d'évocations des bouges malfamés des villes et de leur faune interlope .

J'ai cependant trouvé parfois quelques traits de personnages un peu trop caricaturaux et une certaine réserve pudique mais on se laisse happer par les péripéties de Mimo et les suates d'humeur de viola.

Il faudra attendre la toute fin pour comprendre la particularité de cette Pietà et c'est très bien ainsi.

 

 

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